Après l'opération "Un jour, une oeuvre, un artiste autour de Gérard Garouste" à la Mairie de Montreuil, nous avons lu L'Intranquille qui vient d'être réédité en format de poche. Le sous-titre, c'est Autoportrait d'un fils, d'un peintre, d'un fou. C'est passionnant. Il raconte son rapport à la peinture, son enfance dure, une alternance de découvertes, de délires, de bonheurs, de séjours en hôpitaux psychiatriques, son amitié avec Jean-Michel Ribes dont il peindra les décors, de Patrick Modiano, sa fréquentation du Palace, de Fabrice, de Pacadis, sa carrière new-yorkaise, sa découverte des textes de la Torah,... Ce petit livre est d'une force incroyable. Vivement que quelqu'un en fasse un bouq'lib' !
Je suis le fils d'un salopard qui m'aimait. Mon père était marchand de meubles qui récupéra les biens des Juifs déportés. Mot par mot, il m'a fallu démonter cette grande duperie que fut mon éducation. A 28 ans, j'ai connu une première crise de délire, puis d'autres. Je fais des séjours réguliers en hôpital psychiatrique. Pas sûr que tout cela ait un rapport, mais l'enfance et la folie sont à mes trousses. Longtemps je n'ai été qu'une somme de questions. Aujourd'hui j'ai 63 ans, je ne suis pas guéri, je suis peintre. Et je crois pouvoir transmettre ce que j'ai compris.
Je suis peintre parce que mes mains ont fait ma force, parce que des toiles puissantes et belles m'ont convaincu qu'il y avait là une voie pour moi. Mais je me méfie de la beauté, c'est du bluff, une manipulation qui peut laisser totalement passif celui qui le regarde. Je préfère lui suggérer une question... Le fou parle tout seul, il voit des signes et des choses que les autres ne voient pas. Je veux peindre ce qu'on ne dit pas. Et si le fou dérange, je veux que le peintre dérape. Gérard Garouste